mercredi 14 février 2018

Facebook prévoit de produire une « preuve » pseudo-scientifique pour « justifier » la censure des média alternatifs

Article original de Andrew Korybko, publié le 30 janvier 2018 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

Facebook News feed algorithm

Facebook prévoit que ses utilisateurs classent la « fiabilité » des sites d’information.

Cette décision est une réaction au scandale des « fake news » vieux de 18 mois et elle est présentée comme la solution la plus « juste et équilibrée » à ce problème. L’idée est que la communauté dans son ensemble déterminerait quels sites sont crédibles et ceux qui ne le sont pas. Ceux obtenant les scores les plus bas seraient en quelque sorte pénalisés, peut-être en apparaissant encore moins dans les fils d’actualité des utilisateurs. Les dirigeants de Facebook ont dit qu’ils ne voulaient pas prendre eux-mêmes cette décision pour des raisons éthiques, alors ils allaient laisser plutôt le soin à d’autres de le faire, croyant qu’il s’agissait en quelque sorte d’une approche « démocratique » du problème. En réalité, Facebook ne fait qu’encourager la « loi de la jungle » car il est probable qu’il y aura une division partisane parmi les médias mainstream, qui mènera à des résultats non concluants. Cela va obliger ainsi l’entreprise à prendre des décisions par elle-même pour résoudre ce problème.



Une autre particularité de cette initiative est que les « fake news » réelles sont assez faciles à repérer et ne sont pas si populaires sur Facebook de toute façon. Chaque fois qu’une histoire se rapporte à des individus possédés par des extraterrestres, à des politiciens adorateurs du diable et à des théories conspirationnistes ethno-suprémacistes, il s’agit de « fake news ». Mais les gens cliquent dessus, quelles que soient leurs raisons personnelles, qu’ils soient curieux ou qu’ils cherchent juste à rire. Cela étant dit, ce que Facebook qualifie probablement de « fake news » dans ce contexte ne relève probablement pas de ces exemples, mais est plutôt un euphémisme pour des positions éditoriales et des interprétations analytiques que cette entreprise et certains de ses utilisateurs ne partagent pas.

Prenez par exemple un article sur la relation des États-Unis avec les Kurdes syriens. Les soi-disant « real news » ne feraient que régurgiter quelques faits entourés d’une toile de fond extrêmement lâche sans expliquer l’importance globale de l’histoire, car cela risquerait d’entrer dans un domaine quelque peu subjectif. Il est vrai qu’aucune histoire n’est 100% du journalisme pur sans un contact, même indirect et subtil, avec l’analyse. Cette même histoire pourrait être rapportée positivement alors que les États-Unis publient une déclaration de soutien à leurs alliés kurdes, par exemple, tandis qu’une autre version pourrait prendre un angle critique selon lequel Washington envisage de partitionner de facto la Syrie. Les deux articles peuvent produire des réactions polarisées et des accusations selon lesquelles il s’agit de « fake news » alors qu’en réalité ce ne sont que des interprétations différentes du même événement, et il n’y a rien de mal ou d’immoral à ce sujet.

L’expérience de Facebook n’est cependant pas capable de saisir cela, car elle ne questionnera les utilisateurs que sur la « fiabilité » d’un site. C’est essentiellement une enquête d’opinion demandant aux gens s’ils sont d’accord avec l’angle éditorial le plus communément utilisé par la plateforme. Si une masse critique d’individus n’est pas d’accord avec l’approche de RT ou de Spoutnik, par exemple, l’entreprise les classera comme « non fiables » et supprimera peut-être leur influence sur les fils d’actualité, à cause de la « loi de la jungle ». En conséquence, le résultat le plus probable de cette entreprise sera que Facebook utilise la « preuve » pseudo-scientifique qu’elle a produite de façon manipulée afin de « prouver » que les médias alternatifs sont « peu fiables » et donc « légitimement » sujets à une censure de facto.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie « Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime » (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
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