vendredi 17 novembre 2017

Au cœur des ténèbres

Article original de Dmitry Orlov, publié le 9 novembre 2017 sur le site Club Orlov
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

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Au cours des dernières années, j’ai beaucoup écrit sur les fiascos, nombreux et variés, à l’initiative et perpétrés par l’armée américaine dans de nombreuses parties du monde. Voici un échantillon :



Ces articles expliquent en détail pourquoi l’armée américaine semble forte mais qu’elle ne l’est pas.

Pour résumer, les raisons sont les suivantes:
  • Il s’agit essentiellement d’une éponge à argent public. C’est le plus gros employeur, le plus gros consommateur de combustibles fossiles et le plus important programme de relance économique.
  • C’est le programme le plus cher mais ce n’est en aucun cas le meilleur. La dépense n’est pas une route vers la victoire. La Russie dépense pour sa défense moins de 10% de ce que les USA dépensent, mais en raison d’une grande différence dans des achats, ses systèmes d’armes sont meilleurs et ses troupes plus capables. Dans certains domaines, le matériel et les logiciels militaires russes ont maintenant plusieurs générations d’avance sur les États-Unis.
  • L’armée américaine est incapable de victoire, ni en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, où la plupart des combats ont eu lieu sur le front de l’Est, ni en Corée, ni au Vietnam. Les campagnes d’Afghanistan ou d’Irak ne peuvent être considérées comme des victoires. Cette armée est capable de faire sauter bien des choses, mais elle est incapable de gagner la paix.
Ce qui reste, c’est « s’agiter » : répondre à des menaces fantômes dans le monde entier. Les sous-traitants des militaires doivent être payés, et donc les armes doivent être utilisées, les équipements testés au combat, les bombes larguées. Les officiers veulent envoyer des troupes au carton pour être décorés et promus. Les politiciens veulent utiliser l’action militaire pour distraire la population des problèmes politiques insolubles à la maison. Peu importe où et pourquoi car le résultat est toujours le même : un autre pays avec des peaux sombres ou des Asiatiques est laissé en ruine ; une autre vague de réfugiés ; un autre terreau pour le terrorisme.

Au fil du temps, le choix des lieux où l’armée américaine peut jouer à ses jeux de guerre s’est réduit comme peau de chagrin. Elle ne peut pas grand chose contre la Russie ou la Chine, car ce serait trop dangereux. L’Afghanistan et l’Irak, ses anciens terrains de jeu, offrent des options limitées pour une activité accrue. Le Moyen-Orient est maintenant beaucoup trop complexe pour les planificateurs de guerre américains et plein de dangers cachés. La Corée du Nord et l’Iran sont beaucoup trop dangereux pour s’y engager militairement ; tout le monde le sait, et les menacer de manière impuissante leur permet en plus d’engranger des victoires de propagande.

Alors, qu’est-ce qu’une institution aussi énorme, corrompue, coûteuse et généralement infructueuse va faire ?

Réponse : envahir l’Afrique



L’Afrique subsaharienne est le terrain de jeu idéal pour les États-Unis. Elle est sous-développée. Elle est vaste, avec beaucoup de terrains pas chers pour la construction de bases militaires. Les États africains sont faibles et facilement corruptibles avec un peu d’argent. Il y a beaucoup de conflits internes à exploiter, pour justifier une intervention sur des motifs « humanitaires ». (Méfiez-vous des Américains qui parlent des droits de l’homme !). L’Afrique ne constitue en rien une menace militaire pour les États-Unis. Maintenant que la Libye a été détruite, il n’y a plus personne pour s’opposer à l’Amérique.

L’Afrique est pleine de gens à la peau sombre – quelque chose qui plaît bien avec le racisme traditionnel qui prévaut encore parmi les classes inférieures qui constituent la majorité des hommes enrôlés dans l’armée américaine. Aux États-Unis, les Blancs sont conditionnés à tirer sur les Noirs, à « tenir le terrain » et les Noirs sont conditionnés à tirer sur d’autres Noirs (le meurtre entre Noirs est très répandu). Inévitablement, le chaos raciste qu’ils créent en Afrique provoque un retour de bâton à la maison lorsque les troupes reviennent de leurs missions, générant de nouvelles vagues de criminalité qui aideront à soutenir et à développer le complexe industriel carcéral en lui fournissant un travail d’esclaves à la peau sombre.

En plus d’être un beau terrain de jeu pour les militaires, perturber l’Afrique subsaharienne offre des avantages supplémentaires. Une action militaire dans ce pays va créer de nouvelles vagues massives de réfugiés qui seront acheminées vers l’Europe de l’Ouest via le pipeline libyen. Une fois là-bas, ces réfugiés aideront à submerger ce qui reste des filets de sécurité sociale et des services publics déjà mis à rude épreuve, détruisant ce dernier bastion du socialisme dans le monde et contribuant à la victoire idéologique américaine sur le socialisme. Les entreprises minières américaines auront également l’occasion d’exploiter sans avoir à se soucier des impacts environnementaux ou des populations locales qu’elles déplacent dans le processus.

Du point de vue des relations publiques, personne ne se soucie beaucoup de l’Afrique subsaharienne. L’armée américaine peut faire des dégâts sans discernement, et bien que quelques organisations internationales de défense des droits humains puissent se plaindre, elles sont faciles à ignorer. Oui, les Français pourraient se fâcher si leur accès à l’uranium était coupé : sans cela, leurs réacteurs nucléaires vieillissants manqueraient de combustible et les lumières pourraient s’éteindre partout en France. Mais par rapport à leurs autres terrains de jeu, où un mauvais pas pourrait perturber gravement les marchés de l’énergie ou même entraîner des champignons atomiques sur une ou deux villes américaines, les risques à détruire l’Afrique sont minimes.

Mais il y a aussi un inconvénient à tout cela. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, l’armée américaine remplit une fonction essentielle : menacer de destruction quiconque rêverait de s’éloigner du dollar américain comme monnaie principale du commerce international. Les rares qui ont tenté de le faire – Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi – ont été rapidement traités et leurs pays bombardés jusqu’à l’os. C’est cette menace qui a permis au département du Trésor et à la Réserve fédérale des États-Unis de rester en position de force, en imprimant autant d’argent qu’ils le souhaitaient, tout en exportant l’inflation qu’ils avaient créée vers des pays qu’ils détestaient. À leur tour, c’est ce qui leur a permis de financer si généreusement l’establishment militaire étasunien. Mais maintenant que même l’Arabie saoudite est disposée à vendre son pétrole pour des yuans chinois, cette astuce ne semble plus fonctionner. Menacer les Africains pauvres ne va certainement pas aider car ils sont trop pauvres pour compter et ils ont déjà peur. La fin de la partie apparemment inévitable est que l’armée américaine sera à court d’argent – avec le reste des États-Unis. La seule question restante est : combien de dégâts cela va-t-il encore causer entre-temps ?

Dmitry Orlov

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