vendredi 20 octobre 2017

Surprise ! Les règles vont changer… mais pas à votre avantage

Article original de Charles Hugh Smith, publié le 30 septembre 2017 sur le site Charles Hugh Smith 
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

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Ces réparations de fortunes finissent par paralyser les mécanismes nécessaires pour réellement résoudre les sources systémiques de la crise. Nous pouvons ajouter une troisième certitude aux deux standards (décès et impôts) : les règles vont soudainement changer lorsqu’une crise financière va frapper. Pourquoi est-ce une certitude ? La réponse est complexe, car elle s’appuie sur la nature humaine, la politique et la structure des sociétés / économies régies par les États centralisés (gouvernements). L’impératif principal de l’État : étendre son contrôle



Comme je l’explique dans mon livre, « Résistance, Révolution, Libération », l’impératif central (c’est-à-dire ontologique) de chaque État centralisé est d’étendre sa portée et son contrôle. Ce n’est pas seulement le résultat d’individus dans l’État qui cherchent plus de pouvoir. Chaque État centralisé considère tout ce qui est hors de son contrôle comme une menace. La façon de réduire ou de neutraliser une menace est de prendre le contrôle des mécanismes qui l’ont générée.
Une fois que l’État a pris le contrôle de ces mécanismes, il répugne à les abandonner ; abandonner le contrôle est une invitation au chaos.

Il existe évidemment une dynamique intéressée intense à étendre le contrôle de l’État : ceux qui sont payés pour faire respecter ce contrôle d’État ont un intérêt immédiat pour que celui-ci conserve (ou même étende) ce contrôle, car leurs moyens de subsistance dépendent maintenant de l’État.
Les plus hauts personnages de l’État ont également intérêt à conserver ces nouveaux contrôles, car plus de contrôle signifie plus de richesse et de puissance pour ceux qui sont au sommet de la pyramide du pouvoir centralisé : cette extension du contrôle de l’État signifie que les entreprises privées doivent maintenant faire du lobbying auprès de l’État pour obtenir ses faveurs, et cela donne aux personnes au sommet de la pyramide plus d’avantages et de faveurs à dispenser, en échange de services, bien sûr.

Cet intérêt personnel se propage à toute la pyramide du pouvoir, du petit fonctionnaire avec un pouvoir nouveau sur les citoyens de base aux grands gestionnaires de la bureaucratie gouvernementale chargée d’imposer le nouveau contrôle au sommet de l’autorité de l’État.

Cette hiérarchie du pouvoir crée une autre menace pour l’État central ; l’encerclement du pouvoir de l’État par des fiefs dans l’État lui-même. En d’autres termes, les fiefs peuvent devenir des organismes semi-autonomes qui ne sont que nominalement sous le contrôle de l’autorité centrale. La réponse est évidemment des couches supplémentaires de surveillance, de conformité, d’enquête et d’application dans l’État lui-même.

L’État sert les élites d’abord et avant tout

Bien que les États modernes prétendent toujours servir les citoyens de base, en réalité l’État sert les élites riches et puissantes qui ont besoin d’une complicité d’état pour maintenir leur richesse / pouvoir. Ces élites de pouvoir fonctionnent comme l’équivalent moderne de l’aristocratie : tout le monde est égal, mais certains sont un peu plus égaux que d’autres, pour utiliser la phrase intemporelle d’Orwell.

Cette réalité conduit à un système non formalisé à deux niveaux : l’un pour les roturiers et l’autre pour l’élite du pouvoir, la nouvelle aristocratie. Un système formalisé à deux niveaux inciterait au désordre politique, de sorte que le système sert nominalement le principe de « tout le monde est égal devant la loi » mais en pratique, il existe deux niveaux.

La collecte des impôts est un bon exemple. L’élite du pouvoir financier / industriel a accès à des systèmes complexes d’évitement qui ne sont pas disponibles pour les roturiers, qui ont peu d’outils de réduction d’impôt. Le système judiciaire en est un autre : le pouvoir des élites peut jouer avec le système judiciaire par des avocats coûteux, tandis que les roturiers sont laissés seuls devant la règle instituant une réduction de peine en plaidant coupable, même s’ils sont innocents.

Lorsque les crises surviennent, l’État protège d’abord sa propre autorité et son contrôle. Sa deuxième priorité est de sécuriser la richesse et le pouvoir de l’élite.

L’État ce sauveur intéressé

La nature humaine étant ce qu’elle est, il existe deux motivations pour que les autorités de l’État élargissent leur pouvoir et leur contrôle. Certains au sein de  l’autorité de l’État estiment que c’est leur prérogative (ou même leur responsabilité) d’étendre le contrôle de l’État pour protéger les citoyens qui risquent de souffrir si une crise devait éclater. Cette bonne impulsion peut être authentique dans certains cas, mais dans l’ensemble, ce n’est pas la compassion qui domine la prise de décision, mais la dynamique d’un État central ayant autant de puissance à sa disposition : vous avez le pouvoir, faites donc quelque chose pour nous éviter les conséquences de la crise.

En d’autres termes, une fois que le pouvoir est concentré dans quelques mains, ceux-ci sont responsables de gérer les crises qui seraient autrement retombées sur un système décentralisé avec de nombreux niveaux de réponse.

Ensuite, il y a l’impulsion machiavélique d’utiliser la crise comme couverture à une prise de puissance plus grande, une dynamique encapsulée dans la phrase, « Ne laisse jamais une bonne crise se perdre ». Cette dynamique ne doit pas nécessairement être passive ; les élites puissantes peuvent ne pas attendre une crise, elles peuvent en créer une en exploitant leur contrôle des mécanismes étatiques et du secteur privé. Ce processus d’ingénierie d’une crise peut être politiquement piloté (comme c’est décrit dans le livre « La Théorie du choc » de Naomi Klein) ou lancé par de la propagande (le naufrage du cuirassé Maine, le Lebensraum de l’Allemagne nazie, etc.).

Bien que beaucoup appellent protecteur un État expansif, je préfère le terme d’« État sauveur », car l’État revendique une expansion de ses pouvoirs sous le couvert de nous sauver de diverses menaces, y compris celles qui découlent du système socio-économique qu’il surveille. En d’autres termes, l’idéologie directrice de l’État sauveur est de nous sauver de nous-mêmes.
Si nous pouvons nous faire du mal avec des drogues addictives, la solution de l’État consiste à emprisonner tout les gens pris avec des drogues addictives, sauf évidemment les médicaments addictifs qui enrichissent les Élites au pouvoir (nicotine, alcool, opioïdes synthétiques, etc.).
Si l’État juge dangereux pour les enfants de moins de dix ans de jouer dehors, la solution de l’État est de traiter les parents / tuteurs comme des criminels.

Chaque extension de contrôle crée de nouvelles couches d’intérêts acquis : plus de fonctionnaires qui ne gagnent rien à résoudre des problèmes, mais vont s’assurer qu’ils perdurent à l’avenir comme une forme d’emploi garanti, et plus de possibilités de distribuer des faveurs dans le système informel à deux niveaux de citoyens sans pouvoir et d’élites influentes.

La boite à outils de la crise : occasion politique

L’histoire nous apprend que les autorités considèrent les crises comme d’abord et avant tout une menace pour l’autorité de l’État, ensuite en tant que menace pour la richesse et le pouvoir des élites, et enfin comme une menace pour le système socio-économique qu’elles gouvernent.

Compte tenu de ces priorités de gestion de crise, leur première réponse est d’étendre leur autorité par tous les moyens nécessaires. Une fois que ces nouveaux pouvoirs sont en main, l’État les déploie pour limiter la menace infligée aux élites au pouvoir et à la structure qui soutient la richesse et la puissance de l’État et des élites.

Dans une structure de pouvoir centralisée, cette gestion de crise se manifeste comme un changement de règle sans avertissement pour augmenter la portée et le pouvoir de l’État. La justification tourne autour des pouvoirs d’urgence nécessaires pour protéger la nation, pouvoirs qui deviennent trop souvent permanents, car les pouvoirs une fois pris sont rarement abandonnés pour toutes les raisons exposées ci-dessus.

Bien que les changements de règles soient présentés comme étant à la fois nécessaires et bien planifiés, en réalité, le processus est celui de l’occasion politique : une précipitation précieuse pour faire tout ce qui limite les risques pour la richesse et le pouvoir des élites au pouvoir avant que l’opposition puisse  s’organiser et pour couvrir la prise de pouvoir dans le style habituel du Sauveur – nous agissons pour sauver le système dont vous profitez.

Mais cette opportunité revient à hausser le niveau de contrôle à la fois de l’État et des élites au pouvoir, car les prises de pouvoir appropriées conçues pour protéger l’État et les élites ne répondent pas réellement à la dynamique qui a engendré la crise en premier lieu. Cela aggrave plutôt le problème en introduisant des solutions qui traitent le problème comme un moyen rapide et sale de protéger le pouvoir et la richesse des élites du secteur privé et de l’État.

Ces corrections finissent par paralyser les mécanismes nécessaires pour réellement résoudre les sources systémiques de la crise.

La crise financière en boucle

Les crises financières sont inévitables, et l’État (qui comprend la banque centrale) cherche à les limiter en prenant le contrôle des marchés. Les exemples incluent la fermeture des marchés boursiers, la déclaration de fermetures des banques, l’émission d’une nouvelle monnaie, la fixation des salaires et des prix et l’interdiction de la vente à découvert.

Dans la crise financière actuelle qui a commencé en 2008 (et qui n’est pas encore finie), les banques centrales et les États ont en grande partie évité ces prises de contrôle directes des marchés en faveur d’une stratégie plus subtile de contrôle des ces derniers tout en conservant l’apparence des « marchés libres ».


Dans la partie 2, comment se défendre contre un reset injuste du système [Accès payant, NdT], nous examinerons les façons dont l’État américain et la banque centrale ont déjà étendu leur contrôle sur les marchés, par exemple grâce à l’achat massif d’actifs par les banques centrales et quels contrôles supplémentaires ils vont probablement imposer à mesure que la crise latente qui mijote éclate dans les années à venir.

Nous examinerons également ce que de simples citoyens peuvent faire pour se protéger des risques inévitables et des calamités inattendues que ce contrôle centralisé déclenchera.

Charles Hugh Smith

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