lundi 6 mars 2017

Un trou dans la tête

Article original de James Howard Kunstler, publié le 27 Février 2017 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr


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Nous avons besoin d’une nouvelle guerre civile comme nous avons besoin d’un trou dans la tête. Mais c’est justement cela : l’Amérique a un trou dans la tête. C’est l’endroit anciennement connu sous le nom de Centre. Il n’est plus tenu. C’était l’endroit où les gens avec des points de vue différents pouvaient s’appuyer les uns sur les autres, pour se comporter raisonnablement autour d’un socle commun appelé l’intérêt national. Cet endroit abandonné est maintenant isolé, un Tchernobyl de l’esprit, où les acteurs de chaque côté de la scène politique craignent même de séjourner, et encore moins d’occuper, de peur qu’il ne soit radioactif.


Quoi qu’il en soit, les vieux partis de chaque côté du transept politique se consument dans des fugues d’illusion, de rage et d’impuissance – comme je l’ai prédit ici depuis l’année électorale de 2016. Ils ne peuvent rien faire de bon dans l’intérêt national. Ils ne peuvent pas contrôler les rackets fugitifs qu’ils ont conçus par la législation, la politique et les pratiques sous la domination de chaque parti, tour à tour, jusqu’à revenir à Lyndon B. Johnson. C’est ainsi qu’ils nous ont conduits eux-mêmes jusqu’à cette situation insensée.
Trump et Hillary incarnent parfaitement la phase culminante de chaque parti, avant leur sprint final mutuel vers l’effondrement. Les deux avaient plus qu’une tendance à la psychopathie. Trump est le bluff que les Républicains se sont infligés à eux-mêmes, ayant jeté tout ce qui aurait pu être identifié à des principes cohérents traduisibles en une action utile. Hillary était une Lady Macbeth américaine, essayant de faire un « inside job » ultime par tous les moyens nécessaires, sa méchanceté étant si visible que même les électeurs l’ont reconnue. Ces deux sont la vengeance des anciens partis l’un envers l’autre et sur eux-mêmes, après des décennies de mauvais choix et de mauvaise foi.

Le Trump anti-intellectuel est, pour la Droite, la réponse aux Intellectuels-Carrément-Idiots (ICIs) que Nassim Taleb a si bien identifié comme infestant la Gauche. On peut imaginer que le président Trump n’a pas lu un livre depuis le lycée, et peut-être même aucun de toute sa vie. Mais n’êtes-vous pas étonnés de voir comment les ICIs de la Gauche ont effacé toute liberté d’esprit sur les campus et dans les autres enceintes de la culture, où le libre questionnement autrefois fleurissait? Depuis les présidents de lycée devenus fous, qui prétendent que les « espaces de sécurité » ségrégués par la race représentent l’« inclusivité », jusqu’aux éditeurs du New York Times qui prétendent dans les journaux que les immigrants illégaux n’ont rien d’illégaux, cette fausse pensée est impressionnante.

Une situation analogue s’est déjà produite avant dans l’histoire des États-Unis et elle est peut être cyclique. L’ancien professeur de l’Université de Princeton et président Woodrow Wilson a entraîné l’Amérique dans la Première Guerre mondiale, qui a tué plus de 200 000 Américains (près de quatre fois plus que durant la guerre du Vietnam) en seulement dix-huit mois. Il a promulgué la Peur du Rouge, une forme d’hystérie, qui n’est pas sans rappeler la Fête de la Race et l’accusation de Phobie du Genre de la Gauche aujourd’hui. Le professeur Wilson a également été responsable de la création de la Réserve fédérale et de tous les méfaits qu’elle a entraînés, en particulier la perte de plus de 90% de la valeur du dollar depuis 1913. Wilson, l’ICI parfait de ces temps là.

La réaction à Wilson s’est incarnée dans Warren Gamaliel Harding, l’imbécile de l’Ohio, gros buveur, joueur de cartes, choisi dans la fameuse « salle remplie de fumée » de la convention du GOP de 1920. Il a invoqué un retour à la « normalcy », qui n’est même pas un mot (essayez avec « normalité« ), et a ri comme Trump, qui rit de ses élucubrations idiotes comme « gagner gros ». Harding est également connu pour avoir avoué dans une lettre : « Je ne suis pas apte à ce poste et je n’aurais jamais dû être ici. » Pourtant, dans son court mandat (il est décédé en poste en 1923), Harding a conduit le pays avec succès à travers la dépression après la Première Guerre mondiale, simplement en n’abusant pas de l’interventionnisme du gouvernement.
Quelque chose de la même dynamique s’est mis en place en 1952, quand le général Eisenhower a succédé à Harry Truman et que le candidat démocrate nominé Adlai Stevenson a plaisanté, « les nouveaux Dealers » [jeu de mots avec le New Deal, NdT] ont été remplacés par des vendeurs d’automobiles. S’il avait su! Après tout, qui était le vice-président d’Eisenhower? Personne d’autre que le roublard Nixon, qui, comparativement à la suite, fera prendre ces vendeurs de voitures d’occasion pour l’excellence de l’Amérique.

Eh bien, c’étaient les jours d’antan, et ces jours sont passés. Tant de choses ont mal tourné ici, au cours des trente dernières années et le jeu de Salugi ou Toro joué par les démocrates et le GOP ne les aident pas. Et c’est pourquoi les deux partis se dirigent vers leur disparition. Nous sommes à l’heure actuelle dans une phase de conflits intra-partis. Chaque partie a sa propre guerre civile préliminaire en cours. L’élection ou même le piratage, par le ministre du travail de l’époque Obama, Tom Perez, en tant que président du DNC a mis le feu hier aux troupes de Bernie Sanders. Ils appellent tous via Twitter à tout renverser pour créer un nouveau parti. Trump fait face à ses propres mutineries sur sa droite, et pas seulement des deux meneurs de revues pour la troisième guerre mondiale, John McCain et Lindsey Graham. À la sortie de la réunion du CPAC conservateur de la semaine dernière, presque tout son programme a été déclaré politiquement irréaliste par les caciques présents : la réforme et le remplacement de la Loi sur les soins de santé, la réforme fiscale, l’orgie de stimulation dans le bâtiment, le mur à la frontière, les blocages commerciaux.

De plus, l’expiration du plafond de la dette actuelle, à environ 20 000 milliards de dollars, arrive à la mi-mars. Pensez-vous que les deux partis qui se battent entre eux au Congrès seront en mesure de trouver une solution à ce sujet? On peut rêver. Les démocrates ont tout intérêt à laisser le président Trump se noyer dans cette saumure fatale. Ce que cela signifie, bien sûr, c’est que le Trésor américain sera à court de trésorerie à la mi-été et que certaines factures ne seront tout simplement pas payées, peut-être même les chèques de sécurité sociale et les factures d’assurance-maladie. N’est-ce pas un beau spectacle? C’est là que Trump va devenir un politicien paraplégique et que les électeurs vont commencer à quitter le navire comme des puces fuyant ces deux chiens morts.

D’ici là, beaucoup d’autres polissonneries auront lieu dans le monde, y compris le résultat fracassant des élections en France et aux Pays-Bas, avec l’Union européenne au tournant de sa propre histoire et une instabilité monétaire comme le monde n’en a jamais vue auparavant. Profitez des semaines restantes de normalité.

James Howard Kunstler

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